Jusqu’à présent la critique a beaucoup insisté sur le manque de fiabilité du narrateur du Ravissement de Lol V. Stein, séduit et ravi à son tour par l’énigme vivante qu’incarne l’héroïne éponyme. Or je propose d’envisager ici ce manque de fiabilité non point comme incompétence ni même a fortiori comme défaut à pallier, mais comme manière de demeurer fidèle à l’impossibilité de l’événement, c’est-à-dire de restituer l’expérience « ravissante » de Lol dans ce qu’elle présente justement de plus informulable. Emblématique de l’ensemble des écrits durassiens, Le Ravissement de Lol V. Stein tâcherait ainsi, par le truchement de son narrateur subjugué, de se mettre au diapason d’une expérience qui ne se soumet pas à l’ordre de la connaissance mais se donnerait plutôt à expérimenter dans la communication d’un état de vertigineuse dépossession.
Until now critical analysis has insisted on the narrator's unreliability in The Ravishing of Lol Stein, as he is seduced and ravished in his turn by the live enigma personified by the eponymous heroine. What I propose here is to understand this lack of reliability not as incompetence nor even a fortiori as a fault that needs to be composed with, but as a way of staying faithful to the impossibility of the event : that is as a way of rendering Lol's "ravishing" experience in precisely its least articulate dimensions. The Ravishing, emblematic of Duras' work, would thus be trying, through its subjugated narrator, to be in tune with an experience incommensurate with the order of knowledge but given as needing to be experienced in the very act of communicating a state of vertigo-inducing dispossession.
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