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Alopécie circonscrite temporaire après neuroradiologie interventionnelle: une série de 18 cas

  • Autores: M. Freysz, L. Mertz, D. Lipsker
  • Localización: Annales de dermatologie et de véneréologie, ISSN 0151-9638, Vol. 141, Nº. 1, 2014, págs. 15-22
  • Idioma: francés
  • Texto completo no disponible (Saber más ...)
  • Resumen
    • Résumé Introduction L'utilisation de la radiologie interventionnelle dans le traitement des lésions cérébrales est une pratique courante. L'alopécie post-radique est une radiodermite aiguë pouvant survenir au décours d'une intervention de neuroradiologie. Au cours de la période 2009-2010, plusieurs patients traités pour une embolisation cérébrale dans le service de neuroradiologie du CHU de Strasbourg ont signalé une chute localisée de cheveux. À partir de ces données, nous avons réalisé une étude rétrospective de 18 cas pour mieux comprendre les circonstances d'apparition et les éventuels facteurs de risque de l'alopécie post-radique.

      Patients et méthodes Nous avons étudié trente-cinq dossiers de patients ayant signalé une alopécie sur les 347 patients traités par embolisation cérébrale de janvier 2008 à mai 2010 au CHU de Strasbourg. Seuls les patients ayant une alopécie circonscrite complète documentée par une photographie étaient inclus dans l'étude. Les patients étaient examinés et interrogés par un dermatologue ou un radiologue interventionnel au moment du signalement et à distance. La dose totale à la peau cumulée sur une période de trois mois précédant le signalement de l'alopécie, puis sur l'ensemble de la période 2008-2010, était calculée. Ces doses cumulées reflétaient l'ensemble des doses reçues par le cuir chevelu au cours des différentes interventions diagnostiques (angiographies) et thérapeutiques (embolisations).

      Résultats Une véritable alopécie circonscrite était constatée chez 18 patients. L'alopécie était survenue entre deux et quatre semaines après l'intervention. L'alopécie était totale et non cicatricielle. Une repousse complète objectivée par une photographie était observée chez douze patients. La dose cumulée sur les trois derniers mois était comprise entre 2,5 Gy et 12,3 Gy, avec une moyenne de 5 Gy. La dose totale cumulée reçue par chaque patient depuis janvier 2008 était comprise entre 3,2 et 17 Gy, avec une moyenne de 7 Gy.

      Discussion Nous rapportons une série de 18 cas d'alopécies post-radiques, survenues dans les suites de procédures diagnostiques et thérapeutiques de neuroradiologie interventionnelle. Cette série est particulièrement intéressante par l'étendue inhabituelle des alopécies, par la taille de l'échantillon non égalée dans la littérature et par le fait que nous avons été en mesure de reconstituer les doses de rayonnement cumulées et délivrées à la peau. De plus, nous soulignons l'importance du cumul des doses en radiologie interventionnelle afin d'identifier les sujets à risque de développer une alopécie post-radique, cette dernière résultant probablement de la multiplicité des examens.

      Conclusion Ces observations illustrent la sémiologie particulière des alopécies post-radiques et soulignent l'importance du cumul des doses lié aux examens radiologiques successifs dans la pathogénie des radiodermites.

      ________________________________________ Summary Background The treatment of cerebral lesions using endovascular radiological procedures is becoming a standard of care. Radiation-induced alopecia, a type of acute radiodermatitis, is a frequent complication. Between 2009 and 2010, a number of patients reported hair loss after embolization of a cerebral arteriovenous malformation at the Neuroradiology Department of the Strasbourg University Hospital. We therefore retrospectively investigated 18 cases to better delineate the circumstances and the risk factors associated with radiation-induced alopecia.

      Patients and methods We reviewed the records of 35 patients reporting hair loss among the 347 patients undergoing embolization of cerebral arteriovenous malformations between January 2008 and May 2010. Only patients with photographically documented complete circumscribed alopecia were included. Patients were examined and interviewed by a dermatologist and/or a radiologist at the time of hair loss and at a later point. The cumulative dose of radiation delivered to the skin in the 3 months preceding onset of alopecia, then over the entire period 2008-2010, was calculated. These doses included the diagnostic (angiography) and therapeutic (embolization) procedures.

      Results Definite circumscribed alopecia was noted in 18 patients. Alopecia occurred between two and four weeks after embolization; it was complete and in no cases cicatricial. Complete recovery as attested by examination or photography was observed in 12 patients. The cumulative dose over the preceding three months was between 2.5 Gy and 12.3 Gy (mean: 5 Gy). The total cumulative dose since January 2008 was between 3.2 and 17 Gy (mean: 7 Gy).

      Discussion We describe a series of 18 patients with radio-induced alopecia occurring after diagnostic and therapeutic procedures for cerebral arteriovenous malformations. This series is particularly interesting because it includes the largest patient sample reported to date with an uncommon large area of alopecia, and also because we were able to calculate the cumulative dose of radiation delivered to the skin. In addition, we underline the importance of the cumulative dose in interventional radiology since radio-induced alopecia probably results from the number of interventional procedures during a given time period. Moreover, analysis of these doses provided us with a new perspective on the radiobiology of the hair growth cycle. Indeed, whereas previously reported data considered alopecia as definitive where doses higher than 7 Gy were delivered, we noticed regrowth of hair with doses of up to 12 Gy.

      Conclusion These observations underline the specific findings of radiation-induced alopecia and underline the importance of the cumulative radiation dose delivered during the 3 months preceding alopecia.

      Mots clés " Alopécie;

      " Radiologie interventionnelle;

      " Embolisation;

      " Radiodermite Keywords " Alopecia;

      " Procedural radiology;

      " Embolization;

      " Radiodermatitis Les dommages cutanés radio-induits sont connus depuis longtemps comme complications des interventions guidées par la radiologie. Il s'agit le plus souvent d'une radiodermite chronique secondaire à une intervention cardiaque, fulguration pour trouble du rythme ou coronarographie [1]. L'utilisation de la radiologie interventionnelle dans le traitement des lésions cérébrales est devenue une pratique courante, à visée diagnostique et thérapeutique. Les procédures de neuroradiologie sont souvent délicates et complexes, à l'origine d'une irradiation parfois prolongée et répétée du cuir chevelu. L'alopécie post-radique est une radiodermite aiguë pouvant survenir au décours d'une telle intervention et elle est encore assez peu connue des dermatologues.

      Au cours de la période 2009-2010, plusieurs patients traités par embolisation cérébrale dans le service de neuroradiologie du CHU de Strasbourg ont signalé une chute de cheveux localisée à leur neuroradiologue. Nous avons réalisé une étude rétrospective de 18 cas pour mieux comprendre les circonstances d'apparition et les éventuels facteurs de risque de cet effet " déterministe " de l'irradiation.

      Patients et méthodes De janvier 2008 à mai 2010, 347 patients ont bénéficié d'une embolisation cérébrale dans le service de neuroradiologie interventionnelle du CHU de Strasbourg. Durant cette période, 35 patients ont signalé à leur neuroradiologue une chute de cheveux localisée. Seuls les patients ayant une alopécie circonscrite complète constatée par un médecin et documentée par une photographie ont été inclus dans l'étude. Ces patients ont été examinés et interrogés par un dermatologue ou par un radiologue interventionnel, au moment du signalement de l'alopécie et à distance. Les éléments recueillis comprenaient le motif d'intervention, le nombre de procédures diagnostiques et thérapeutiques effectuées, le délai d'apparition de l'alopécie, les symptômes associés et les données issues d'un examen soigneux du cuir chevelu. Lors de la consultation de contrôle à distance, la présence d'une repousse de cheveux était recherchée.

      L'ensemble des procédures de notre étude étaient effectuées sur un arceau biplan équipé de deux détecteurs capteur-plans (Siemens Axiom Artis 2008). Les données dosimétriques disponibles au niveau du système d'imagerie étaient le produit dose × surface (?Gy.m2), le kerma dans l'air au point de référence (mGy) et le temps de scopie. Il nous paraissait nécessaire de baser notre travail sur une estimation de dose la plus proche de la dose réellement reçue par le patient au niveau du point d'entrée du faisceau. Pour cela, il était essentiel de pouvoir disposer d'une estimation de la dose maximale à la peau (Peak Skin Dose, PSD, en mGy).

      Afin de déterminer avec précision la PSD des patients de notre série, nous avons réalisé sur une série prospective de patients (7200 au total, toutes procédures de radiologie interventionnelle confondues), une mesure de la PSD avec une technique basée sur des films radiochromiques (Gafchromic films XR-RV3). Cette technique de mesure directe de la PSD n'est disponible que depuis 2010 et n'a donc pas pu bénéficier aux patients de notre série. Nous avons extrait de cette série l'ensemble des procédures de neuroradiologie interventionnelle (embolisation de malformations artério-veineuses et d'anévrysmes intracrâniens) réalisées sur le même système d'imagerie que celui utilisé pour les patients de notre étude. Deux cent quatre-vingt-deux procédures ont ainsi été extraites. Nous avons ensuite établi un modèle de régression linéaire entre les mesures de PSD par films radiochromiques et le produit de la dose par la surface disponible sur le système d'imagerie de ces procédures de neuroradiologie (Fig. 1).

      Figure 1.

      Régression linéaire entre dose peau (PSD) (mGy) et produit dose × surface (mGy.cm2) pour des procédures d'embolisation de malformations artério-veineuses (MAV).

      Figure options Une reconstitution de la dose délivrée à la peau était alors effectuée pour chacun des patients de la cohorte. Dans un premier temps, le cumul des produits dose × surface était calculé sur une période de trois mois précédant la date de signalement de l'alopécie. Nous avons déduit la PSD à partir de ce cumul grâce à une régression linéaire entre les PSD mesurées par film radiochromique et les données issues de l'appareil (produit de la dose par la surface, exprimé en mGy.cm2). Cette PSD, ou dose cumulée, reflétait l'ensemble des doses reçues sur une même partie cutanée lors des différentes interventions diagnostiques (angiographie) et thérapeutiques (embolisation) réalisées sur la période de trois mois. Dans un deuxième temps, et en utilisant la même technique, cette PSD cumulée était estimée pour chaque patient depuis janvier 2008, reflétant ainsi l'ensemble des doses reçues depuis 2008.

      Résultats Sur la période 2008-2010, 35 dossiers ont été étudiés. Nous avons pu constater une véritable alopécie circonscrite chez 18 patients traités par embolisation cérébrale (Figure 2, Figure 3 and Figure 4). Le ratio hommes/femmes était de 1/2. La moyenne d'âge était de 40,2 ans, avec des âges extrêmes de 19 et 58 ans. Huit patients étaient traités pour une malformation artério-veineuse, six pour un anévrysme cérébral, trois pour une tumeur cérébrale et un pour une fistule artério-veineuse. Tous les patients ont été examinés en consultation par un dermatologue (n = 12) ou par un radiologue interventionnel (n = 6). L'alopécie était survenue dans tous les cas entre deux et quatre semaines après l'intervention. Un patient avait deux zones alopéciques. La forme des zones alopéciques était toujours géométrique, leur taille et leur topographie variables d'un malade à l'autre : occipitopariétale gauche (3 cas), occipitopariétale droite (1 cas), occipitopariétale bilatérale (7 cas), pariétale gauche (1 cas), pariétale droite (1cas), temporale droite (3 cas), temporale gauche (1 cas), frontale gauche (1 cas), occipitale gauche (1 cas). La topographie était toujours en rapport avec la pathologie sous-jacente. Le cuir chevelu était normal et l'alopécie était totale, avec des bords bien limités, chez tous les patients. L'examen des autres zones pileuses était normal ainsi que celui de la peau. L'interrogatoire montrait quatre cas de prurit et trois cas d'érythème concomitants rapportés par les patients, mais non objectivés. Une repousse complète des cheveux était observée chez 16 patients ( Figure 5, Figure 6 and Figure 7) entre deux et trois mois après l'intervention. Deux patients étaient perdus de vue au moment du recueil de données.

      Figure 2.

      Alopécie post-radique, patient 12.

      Figure options Figure 3.

      Alopécie post-radique, patient 17.

      Figure options Figure 4.

      Alopécie post-radique, patient 6.

      Figure options Figure 5.

      Repousse de cheveux, patient 12.

      Figure options Figure 6.

      Repousse de cheveux, patient 17.

      Figure options Figure 7.

      Repousse de cheveux, patient 6.

      Figure options La dose cumulée sur les trois derniers mois était comprise entre 2,5 Gy et 12,3 Gy, avec une moyenne de 5 Gy. Sur les trois mois précédant le signalement de l'alopécie, les patients avaient bénéficié en moyenne de deux procédures de radiologie interventionnelle (en moyenne 1,4 embolisation et 0,6 angiographie), avec des extrêmes de 1 et 3 interventions. La dose totale cumulée reçue par chaque patient depuis janvier 2008 était comprise entre 3,2 et 17 Gy, avec une moyenne de 7 Gy. Les patients avaient eu en moyenne quatre interventions de neuroradiologie au total (en moyenne, deux embolisations et deux angiographies), le nombre maximum d'interventions étant 9 et le minimum 2 (Tableau 1).

      Tableau 1.

      Description des résultats : dose cumulée et nombre d'interventions.

      Patients Dose cumulée reçue (en Gy) sur la période de 3 mois Nombre d'interventions durant la période de 3 mois ________________________________________ Dose totale (en Gy) depuis janvier 2008 Nombre total d'interventions depuis janvier 2008 ________________________________________ Total Embolisation Angiographie Total Embolisation Angiographie 1 5,1 2 2 0 10,5 5 3 2 2 3,8 2 0 2 3,8 2 0 2 3 2,5 2 1 1 3,5 4 1 3 4 4,3 1 1 0 12,6 5 3 2 5 3,8 1 1 0 5,4 4 1 3 6 5,7 2 1 1 6,2 3 1 2 7 4,6 2 1 1 4,6 3 2 1 8 3,1 2 2 0 4,9 5 3 2 9 4,3 3 2 1 4,9 4 2 2 10 5,5 2 1 1 6,3 2 1 1 11 5,1 2 1 1 9,9 6 3 3 12 4,6 2 2 0 4,6 4 2 2 13 6,3 2 1 1 6,3 3 2 1 14 5,3 2 1 1 5,9 3 1 2 15 3,1 1 1 0 4,3 4 1 3 16 6,6 3 2 1 17 9 6 3 17 3,2 1 1 0 3,2 3 1 2 18 12,3 3 3 0 12,3 4 3 1 Table options Discussion Nous rapportons une série de 18 cas d'alopécies post-radiques survenues dans les suites de procédures diagnostiques et thérapeutiques de neuroradiologie interventionnelle. Cette série descriptive ne permet pas d'extrapoler une incidence du phénomène. Mais elle est particulièrement intéressante par l'étendue très inhabituelle des alopécies, par la taille de l'échantillon non égalée dans la littérature et par le fait que nous avons été en mesure de reconstituer les doses de rayonnement cumulées et délivrées à la peau. L'analyse de ces doses nous permet de porter un regard nouveau sur la radiobiologie du cycle pilaire, car s'il est généralement admis qu'une dose de 7 Gy entraîne une alopécie définitive, nous avons observé une repousse de cheveux pour des doses allant jusqu'à 12 Gy.

      Cette " épidémie " d'alopécie post-radique a amené l'équipe de radiologie à s'interroger sur ses pratiques médicales. L'enquête d'investigation menée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a montré que les effets observés résultaient de l'utilisation d'un nouvel appareil de radiologie et de conditions d'utilisation et de réglage non optimisées sur cet appareil. Les recommandations de radioprotection émises par l'IRSN à la suite de l'enquête consistaient en différentes mesures techniques ayant comme but final la mise en place d'une démarche globale d'optimisation des paramètres d'acquisition et des pratiques professionnelles. L'IRSN recommandait également un suivi particulier du patient dès que le niveau de la dose cutanée atteignait la valeur de 3 Gy. Ce plan d'action au sein du service de neuroradiologie strasbourgeois a permis de réduire considérablement les doses délivrées à la peau. Désormais, les patients ayant reçu une dose à la peau supérieure à cette valeur seuil sont systématiquement adressés au service de dermatologie. Si une alopécie est constatée, il convient d'en faire la déclaration auprès des autorités, l'Agence régional de santé et l'ASN, par le biais d'un formulaire dédié en ligne sur le site de l'ASN (www.asn.fr), ou par e-mail (villasn@asn.fr).

      Les alopécies radio-induites sont connues depuis le début du XXe siècle, secondaires au traitement des teignes du cuir chevelu par la radiothérapie [2]. Depuis l'apparition de la radiologie interventionnelle au cours des années 1960 dans le traitement des maladies cardiovasculaires, cette technique s'est considérablement développée, notamment dans le domaine de la neurochirurgie. Cette avancée est associée à un risque de lésions cutanées radio-induites, particulièrement lors des procédures longues ou multiples. Les lésions de radiodermite aiguë causées par l'irradiation prolongée du même secteur cutané sont liées à des doses absorbées dépassant le seuil connu d'effets déterministes [1], [3] and [4]. L'effet déterministe décrit les dommages radio-induits apparaissant à partir d'une certaine dose seuil et dont la sévérité augmente avec la dose.

      Les alopécies radio-induites sont ainsi considérées comme doses dépendantes [1], [2], [3], [4], [5],[6] and [7]. Cependant, le seuil d'apparition de l'alopécie en neuroradiologie interventionnelle est peu étudié dans la littérature. Les données trouvées concordent pour proposer qu'une alopécie temporaire apparaîtrait pour des doses comprises entre 3 et 6 Gy, tandis qu'une dose supérieure à 7 Gy entraînerait une alopécie définitive [1], [2], [3], [4], [5], [6] and [7]. L'ICRP (International Commission on Radiological Protection) propose une table dose-effet à la peau : un érythème apparaît pour une dose supérieure à 2 Gy et une nécrose dermique pour des doses supérieures à 12 Gy [8]. Stecker et al. ont décrit une alopécie permanente pour des doses plus élevées, comprises entre 10 et 15 Gy [9]. Une quarantaine de cas d'alopécie post-radique survenue après une intervention de neuroradiologie sont décrits dans la littérature [2], [4], [6], [10],[11], [12], [13], [14], [15], [16], [17], [18], [19], [20], [21] and [22]. Les quelques doses délivrées à la peau mentionnées sont toujours comprises entre 3 et 6 Gy, [4], [11], [15], [16], [17], [18], [20] and [22] et aucun cas d'alopécie définitive n'est rapporté. Les doses décrites dans notre série sont concordantes avec les données de la littérature puisque la moyenne des doses délivrées sur les trois derniers mois précédant le signalement de l'alopécie est de 5 Gy, avec 95 % des doses inférieures à 7 Gy (1 dose supérieure à 7 Gy = patient 18), et 83 % des doses inférieures à 6 Gy (3 doses supérieures à 6 Gy = patients 14, 16, 18). Cependant, le patient 18, dont la dose cumulée sur trois mois est de 12,3 Gy, a observé une repousse complète de cheveux, ce qui est en contradiction avec les données de la littérature, mais peut être lié à une variabilité inter-individuelle. Enfin, les deux seuls patients chez qui la repousse des cheveux n'a pas été objectivée avaient été perdus de vue. Le service de radiologie interventionnelle n'ayant été alerté ni par l'IRSN, ni par un médecin traitant, il est probable que les cheveux de ces deux patients aient eux aussi repoussé.

      Ainsi, les doses seuils classiquement proposées de 3 et 7 Gy pour, respectivement, une alopécie transitoire ou définitive, paraissent comme des chiffres arbitraires, basés sur des données obtenues à partir d'irradiations accidentelles, de la radiothérapie clinique et d'expériences radiobiologiques. Non seulement ces données combinent différentes sources d'irradiation, mais elles n'incluent pas non plus la variation individuelle de la sensibilité aux rayons X [6]. Les doses seuils décrites dans la littérature sont en fait le reflet de la dose à partir de laquelle le plus d'individus sensibles ont commencé à avoir des effets indésirables [4]. Aussi ces doses seuils sont-elles d'une valeur limitée, même s'il est indiscutable qu'une dose supérieure à 2 à 3 Gy soit néfaste. En fait, nous pensons que cette dose devrait servir " d'alerte " afin de déclencher une étude plus précise de la dose réellement délivrée, notamment en tenant compte du cumul des doses. Si la dose est confirmée, on pourrait envisager un suivi médical du patient concerné.

      À l'inverse de la plupart des auteurs qui rapportent la dose délivrée après une intervention unique, nous nous sommes intéressés à la dose cumulée reçue par les patients au cours de l'ensemble des procédures de neuroradiologie durant les trois mois précédant le signalement. En effet, de par leur complexité, ces procédures sont souvent répétées. Et, si une simple angiographie cérébrale délivre une dose trop faible pour observer une alopécie [2], l'association d'angiographies à visée diagnostique souvent pré- et post-thérapeutique (contrôle) et d'embolisations, conduit à une accumulation de la dose délivrée à la peau. Le cumul des doses est un point fondamental à prendre en compte dans l'optimisation des pratiques professionnelles. On pourrait ainsi envisager un suivi par imagerie en résonance magnétique (IRM) cérébrale pour limiter l'irradiation cumulée.

      Nous avons également calculé la dose totale reçue par chaque patient sur une période plus longue, d'environ deux ans. Les doses les plus importantes sont associées à un plus grand nombre d'interventions. On observe quatre doses particulièrement élevées, supérieures à 10 Gy : 17 Gy (patient 16), 12,6 Gy (patient 4), 12,3 Gy (patient 18), 10,5 Gy (patient 1). Ces quatre patients ont néanmoins observé une repousse complète des cheveux.

      Le choix de la période de trois mois pour le calcul de la dose cumulée est arbitraire et non basé sur des données scientifiques validées. En effet nous n'avons trouvé dans la littérature que peu de données relatives au cumul des doses. Cependant, pour une affection cérébrale donnée, les interventions sont le plus souvent groupées sur une période d'environ trois mois. Des études ultérieures sont nécessaires pour déterminer la période exacte à prendre en compte et la dose seuil à partir de laquelle apparaît l'alopécie, mais nous pensons que c'est la multiplicité des examens invasifs sur une période courte qui conduit à l'alopécie, et que l'on ne peut pas négliger les doses précédemment reçues, même sur une longue période. Il est donc important de s'intéresser aux doses cumulées pour identifier les patients susceptibles de développer un effet déterministe. Un cumul sur trois mois semble donner les meilleurs résultats.

      Les follicules du cuir chevelu sont plus radiosensibles que n'importe quel autre follicule, du fait de leur prolifération cellulaire rapide. La dépilation apparaît entre 2 et 3 semaines, et la repousse survient entre 8 et 12 semaines [7], ce qui concorde avec nos observations. Les effets précoces sont caractérisés par une réduction du diamètre du bulbe pileux, puis celui-ci s'atrophie progressivement et le cheveu cesse de croître[23]. Les nouveaux cheveux lors de la repousse peuvent être plus fins et clairsemés, avec parfois une pigmentation différente. Une repousse de cheveux blancs ou plus clairs a été rapportée dans trois cas[2] and [13]. Nous n'avons pas observé d'anomalie de la repousse dans notre série.

      Sur le plan clinique, les données de la littérature et nos observations sont similaires : l'alopécie post-radique concerne électivement la zone cutanée correspondant au site d'entrée du rayonnement, et reflète l'exposition prolongée aux rayons X sur une même aire [17]. Elle est de forme géométrique souvent rectangulaire, bien limitée. L'alopécie est totale et le cuir chevelu est sain, sans autre atteinte cutanée ni phanérienne. Le test de traction effectué sur les cheveux en périphérie de la zone alopécique est normal.

      Le principal diagnostic différentiel est la pelade [2], [14], [17] and [19]. En effet, le cuir chevelu est dénué de signe inflammatoire comme dans nos observations, et les patients ont souvent un stress lié à la maladie et à l'acte thérapeutique. Cependant, il n'y a pas de cheveux en " point d'exclamation " dans l'alopécie post-radique et sa forme rectangulaire est caractéristique. L'alopécie secondaire à une occlusion artérielle [15] et l'alopécie de pression postopératoire secondaire à une hypoxie tissulaire induite par la pression lors d'une intervention prolongée [16] sont d'autres diagnostics différentiels.

      L'alopécie transitoire post-radique est un effet indésirable dont l'impact immédiat est essentiellement psychologique, lié à la perte de cheveux brutale. Cependant, les effets à long terme sont encore largement méconnus, et des effets stochastiques sont possibles. L'expérience de la radiothérapie a montré qu'il existe un risque faible mais réel de développement de tumeurs malignes telles que carcinome, mélanome, sarcome, sur une période de plus de trente à quarante ans [6] and [24]. À notre connaissance, aucun cas de malignité secondaire à un acte de radiologie interventionnelle n'a été rapporté. Cependant une surveillance à long terme reste recommandée étant donné le manque de recul actuel sur ces pratiques.

      Ces cas d'alopécie post-radique rappellent l'importance des enjeux dosimétriques en neuroradiologie interventionnelle. Bien que les constatations faites par l'IRSN n'émanent que des pratiques de neuroradiologie du CHU de Strasbourg, il est vraisemblable que des niveaux de dose similaires puissent être relevés dans d'autre service de radiologie interventionnelle. Même si les effets déterministes tels que l'alopécie sont souvent considérés comme des effets indésirables inévitables de la radiologie interventionnelle, et dont les conséquences sont sans commune mesure avec l'enjeu du diagnostic et de la thérapie, il importe de ne pas les négliger. Notre étude met en évidence le rôle important du cumul des doses et nous amène à penser que l'alopécie post-radique résulte de la multiplicité des examens invasifs. Ainsi, l'étude du cumul des doses pourrait permettre de détecter les sujets à risque. Enfin, ces observations soulignent la sémiologie particulière des alopécies post-radiques et permettent de sensibiliser les dermatologues à un nouvel effet indésirable de la neuroradiologie interventionnelle.


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