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Étude de 19 cas d'allergie aux héparines prouvée par des tests cutanés

  • Autores: C. Phan, A. Vial-Dupuy, J.-E. Autegarden, E. Amsler, H. Gaouar, N. Abuaf, C. Pecquet
  • Localización: Annales de dermatologie et de véneréologie, ISSN 0151-9638, Vol. 141, Nº. 1, 2014, págs. 23-29
  • Idioma: francés
  • Texto completo no disponible (Saber más ...)
  • Resumen
    • Résumé Introduction Les héparines non fractionnées et de bas poids moléculaires sont connues pour être à l'origine de manifestations allergiques, en particulier d'éruptions eczématiformes localisées pouvant se généraliser. Les réactions croisées avec d'autres héparines et leurs dérivés étant fréquentes, l'identification d'alternatives thérapeutiques est indispensable.

      Patients et méthodes Cette étude rétrospective a porté sur les patients adressés dans le service de dermatologie et d'allergologie de l'hôpital Tenon entre 2000 et 2012 pour suspicion d'allergie aux héparines non fractionnées (HNF) ou de bas poids moléculaire (HBPM), et qui avaient eu des tests cutanés positifs pour au moins une héparine. Tous les patients ont été recontactés en 2012 pour savoir s'ils avaient repris une héparine depuis le bilan.

      Résultats Dix-neuf patients avaient au moins un test cutané positif pour une héparine, dont un patient avec choc anaphylactique et 18 avec des eczémas localisés (12) ou généralisés (6). L'héparine la plus fréquemment incriminée était l'énoxaparine sodique (13/19) ; une HBPM était majoritairement incriminée (18 patients pour une HBPM et 1 pour une HNF). Chez ces 18 patients, 16 avaient aussi des tests positifs pour une HNF, 9 pour un héparinoïde et un pour une hirudine. Les tests au fondaparinux (pentasaccharide synthétique) effectués chez 11 des 19 patients étaient toujours négatifs. Sept de ces 11 patients ont eu du fondaparinux depuis les tests cutanés : 5 sans manifestation et 2 avec une éruption localisée aux points d'injection.

      Discussion Nos résultats soulignent une plus grande fréquence des réactions d'hypersensibilité retardée par rapport aux réactions immédiates avec les héparines. Les tests cutanés peuvent aider à identifier des molécules de remplacement ; le fondaparinux serait une alternative, mais le diagnostic de certitude repose sur la réintroduction.

      ________________________________________ Summary Background Allergic hypersensitivity to unfractioned or low-molecular-weight heparins is uncommon but is known, and in particular the most common form is localized dermatitis, although such cases have seldom turned into maculopapular exanthema. Since cross-reactions with other heparins are frequent, identification of therapeutic alternatives is essential.

      Patients and methods This retrospective study included patients referred to the Department of Dermatology and Allergology at Tenon Hospital between 2000 and 2012 with suspicion of allergy to unfractionated heparin (UFH) or low-molecular-weight heparin (LMWH) and sensitized to at least one heparin (i.e. positive skin tests to at least one heparin). The heparins and hirudins used were tested in the forearm by means of intradermal skin tests. All patients were contacted in 2012 to establish whether they had used some form of heparin since the cutaneous allergy tests.

      Results Nineteen patients had at least one positive skin test for heparin; 1 patient had presented anaphylactic shock, while 18 others had presented localized eczema (12) or generalized dermatitis (6). The heparin most often responsible for these adverse reactions was enoxaparin (13/19). An LMWH was responsible in most cases (18 vs. 1 with UFH). Of these 18 patients, 16 also presented positive skin tests for UFH, 9 for synthetic heparinoid and 1 for hirudin. 11/19 patients were tested for fondaparinux (a synthetic pentasaccharid) and all had negative skin tests. 5/7 patients with negative skin tests had taken fondaparinux without any visible reaction, whereas 2 who also tested negative experienced localized eruption at the injection site.

      Discussion Our results underline the greater frequency of delayed hypersensitivity reactions compared with immediate reactions to heparins. Skin tests can help to identify substitution molecules. Fondaparinux might be an alternative but certain diagnosis relies on rechallenge.

      Mots clés " Eczéma;

      " Fondaparinux;

      " Héparine;

      " Hypersensibilité;

      " Allergie;

      " Tests cutanés Keywords " Allergic hypersensitivity;

      " Dermatitis;

      " Fondaparinux;

      " Heparin;

      " Skin tests Depuis plus de 60 ans, les héparines sont des anticoagulants largement utilisés dans la prévention et le traitement des maladies thrombo-emboliques [1]. Les héparines et leurs dérivés sont répartis en plusieurs classes : héparines non fractionnées (HNF), qui comprennent héparinate de sodium et héparinate de calcium ; héparines de bas poids moléculaires (HBPM), représentées par l'énoxaparine sodique (Lovenox®), la tinzaparine sodique (Innohep®), la daltéparine sodique (Fragmine®) et la nadroparine calcique (Fraxiparine®ou Fraxodi®) ; héparinoïdes de synthèse comprenant danaparoïde sodique (Orgaran®) et un pentasaccharide synthétique, le fondaparinux sodique (Arixtra®) : toutes ces molécules ont une activité anti-Xa. À côté existent des inhibiteurs directs de la thrombine : les hirudines, lépirudine (Refludan®) et désirudine (Revasc®), disponibles uniquement par voie injectable. De nouveaux anticoagulants oraux sont commercialisés depuis quelques années ; un inhibiteur direct de la thrombine, le dabigatran (Pradaxa®) et des inhibiteurs du facteur Xa, le rivaroxaban (Xarelto®) et l'apixaban (Eliquis®).

      Certains effets secondaires des héparines, tels que les accidents hémorragiques, l'ostéoporose, l'alopécie et les thrombopénies induites à l'héparine (TIH) sont bien connus [2] and [3]. Les héparines sont à l'origine de différents types de réactions allergiques. Les plus fréquentes restent des réactions d'hypersensibilité retardée survenant plusieurs jours et très souvent plusieurs semaines, voire mois, [4] après le début des injections sous-cutanées d'une héparine fractionnée ou non [4], [5] and [6]. Elles se manifestent majoritairement par des lésions eczématiformes aux points d'injection, pouvant dans certains cas se généraliser avec des tableaux cliniques d'exanthèmes maculo-papuleux et dans de rares cas des éruptions vésiculo-bulleuses [4]. Ces réactions, survenant plusieurs jours après le début du traitement par héparine, sont rarement décrites avec les héparinoïdes de synthèse et le fondaparinux [7]. Des réactions d'hypersensibilité immédiate avec les héparines pouvant aller jusqu'au choc anaphylactique, bien que rares, sont décrites dans la littérature [4], [8] and [9].

      Le principal problème posé par les réactions d'hypersensibilité allergiques est celui de l'alternative thérapeutique, en raison du risque d'allergie croisée entre les différentes héparines, voire même avec les héparinoïdes. Nous rapportons les observations des patients adressés pour suspicion d'allergie à une héparine ayant eu une exploration allergologique positive aux héparines. L'objectif de ce travail était de déterminer l'intérêt des tests cutanés aux héparines, de décrire les principales manifestations cliniques d'allergie aux héparines et les éventuelles réactions croisées entre les différentes classes d'héparines et ses dérivés.

      Méthodes et patients Nous avons mené une étude rétrospective monocentrique incluant tous les patients adressés dans le service de dermatologie et d'allergologie de l'hôpital Tenon entre 2000 et 2012 pour suspicion d'allergie aux héparines, et sensibilisés pour au moins une héparine (ayant donc eu des tests cutanés positifs pour au moins une héparine).

      Pour chaque patient, les données suivantes ont été recueillies lors de la consultation initiale : âge, sexe, héparine utilisée, indication du traitement, délai d'apparition des lésions, type et durée des réactions ; un score d'imputabilité médicamenteuse était calculé quand c'était possible.

      Les tests cutanés étaient réalisés au moins 6 semaines après la fin de l'éruption cutanée. Tous les patients ont eu des tests cutanés comportant des prick-tests non dilués et des tests intradermiques dilués successivement au 1000e, 100e et 10e réalisés par l'injection intradermique stricte de 0,03 mL des solutions de l'héparine incriminée et d'autres héparines ou dérivés, en peau saine, sur la face interne des avant-bras. Les dilutions non irritantes pour tester des héparines et leurs dérivés par tests intradermiques n'étant pas connues lors de la réalisation des tests, des dilutions décroissantes étaient utilisées toutes les 20 minutes, et les tests arrêtés dès l'apparition d'une positivité. Lors de la réalisation des tests, un contrôle positif par prick-test à l'histamine (chlorhydrate d'histamine 10 mg/mL, Stallergènes) et un témoin négatif par injection intradermique de 0,03 mL de sérum physiologique étaient systématiquement réalisés, permettant la validation des conditions de test. La lecture des tests était effectuée systématiquement à 20 minutes, puis à 48 et 96 heures en cas de suspicion de toxidermie. Les critères de positivité étaient les suivants : pour les réactions immédiates, un prick-test était considéré positif si le plus grand diamètre de la papule était de 3 mm supérieur à celui de la papule du contrôle négatif, avec un érythème au moins supérieur à la papule et un test intradermique était positif en cas de doublement de la papule par rapport à la papule d'injection, avec un érythème au moins supérieur à la papule. En lecture retardée, un test intradermique était considéré positif si les plus grands diamètres de l'érythème et de la papule étaient supérieurs à 10 mm. Tous les patients de cette étude étaient systématiquement revus pour des lectures à 48 et 96 heures (en raison de positivation tardive des tests intradermiques avec de nombreux médicaments, en particulier avec les héparines) et devaient appeler le service en cas de positivation du test intradermique au-delà des 96 heures.

      Il n'y a pas eu de réintroduction systématique et standardisée d'une héparine ou d'un dérivé de l'héparine à l'issue des résultats des tests intradermiques. Tous les patients ont été recontactés par téléphone en 2012 afin de savoir s'ils avaient été traités depuis les explorations allergologiques par héparine ou dérivés ; et si tel était le cas pour en connaître la tolérance.

      Résultats Quarante patients ont consulté durant cette période pour une suspicion de manifestation allergique aux héparines ; seuls 19 ont eu des tests cutanés positifs pour les héparines et ont été inclus dans cette étude. Il s'agissait de 19 femmes âgées de 22 à 84 ans (moyenne 59 ans). Les 21 autres patients, qui avaient eu des tests cutanés aux héparines négatifs, présentaient des manifestations cliniques variées : en particulier, 4 avaient eu des angio-�dèmes et 3 une urticaire superficielle.

      Les caractéristiques cliniques et les résultats des tests allergologiques des 19 patients inclus sont résumés dans le Tableau 1. Le traitement par héparine avait été instauré à doses préventives dans 12 cas (63 %) et à doses curatives dans 7 cas (37 %), dans 1 cas pour syndrome coronarien aigu et pour les 18 autres patients en prévention ou en traitement curatif de maladies thrombo-emboliques. Les manifestations cliniques étaient retardées, de plus d'une heure à plusieurs jours (jusqu'à 45 jours) par rapport au début du traitement par héparine chez la majorité des patientes : 15/19. Une seule patiente avait eu une réaction immédiate, apparaissant moins d'une heure après l'injection d'héparine, et chez 3 patientes, le délai exact de l'apparition des manifestations cutanées par rapport au début du traitement par héparine n'était pas précisé dans le dossier. Chez les 15 patientes ayant eu des manifestations retardées, neuf présentaient un eczéma uniquement localisé aux sites d'injection, deux un eczéma ayant débuté aux sites d'injection puis secondairement généralisé et quatre un eczéma généralisé d'emblée (sans renforcement particulier des lésions aux sites d'injection). Les trois patientes chez lesquelles le délai de la réaction n'était pas connu avaient aussi présenté un eczéma localisé aux sites d'injection. Aucune réaction bulleuse ni pustuleuse n'était rapportée.

      Tableau 1.

      Caractéristiques cliniques et résultats des explorations allergologiques des 19 patientes.

      Patient Age (ans)/Sexe Type de réaction Délai des manifestations/injection héparine Héparine incriminée Résultats des héparines testées Patient Traitement par héparine depuis les tests cutanés Résultats de la réintroduction Score d' imputabilité 1 71/F Eczéma au point d'injection Inconnu Inconnue H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), F(-) 1 F Sans réaction ? 2 79/F Eczéma au point d'injection Inconnu E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+) D(+), N(+), Da(-), L(-), Dé(-) 2 ? ? ? 3 68/F Eczéma au point d'injection 2 jours N H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), F(-), L(+), E(+) 3 F Sans réaction I4 4 84/F Eczéma au point d'injection 15 jours E H-Na(-), H-Ca(+), E(+), D(+), T(+), F(-) 4 ? ? I4 5 80/F Eczéma au point d'injection 15 jours E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+) F(-) 5 Non Non réintroduit I4 6 64/F Eczéma au point d'injection 3 jours H-Ca H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), L(-), Dé(-) 6 F Sans réaction I4 7 60/F Eczéma au point d'injection 7 jours E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), F(-), L(-) 7 ? ? I4 8 62/F Eczéma au point d'injection 24 heures E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), F(-) 8 F Réaction locale I3 9 26/F Eczéma au point d'injection 24 heures E E(+), T(+), D(+), Da(+), F(-) 9 F Réaction locale I3 10 66/F Eczéma au point d'injection 24 heures E H-Na(-), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), Da(+), L(-), Dé(-) 10 Dé Sans réaction I3 11 47/F Eczéma au point d'injection 2 jours T H-Na(-), H-Ca(+), E(+), T(+), D(-), N(-), F(-) 11 Non Non réintroduit I4 12 22/F Eczéma au point d'injection Inconnu E H-Na(-), H-Ca(-), E(+), T(+), D(-), F(-) 12 F Sans réaction ? 13 69/F Eczéma généralisé 10 jours E H-Na(-), H-Ca(+), E(+), T(-), D(-), N(-), Da(-), L(-) 13 Non Non réintroduit I4 14 50/F Eczéma généralisé 7 jours E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), Dé(-) 14 Non Non réintroduit I4 15 50/F Eczéma généralisé 24 heures N H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), L(-) 15 Non Non réintroduit I3 16 51/F Eczéma généralisé 2 jours E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), F(-), L(-), Dé(-) 16 Non Non réintroduit I4 17 81/F Eczéma généralisé 24 heures E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(-), L(-), Dé(-) 17 F Sans réaction I3 18 43/F Eczéma généralisé 4 jours E H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(-), Dé(-) 18 ? ? I4 19 44/F Choc anaphylactique 5 minutes N H-Na(+), H-Ca(+), E(+), T(+), D(+), N(+), Da(+), F(-), L(-) 19 Non Non réintroduit I4 H-Na : héparinate de sodium ; H-Ca : héparinate de calcium ; E : enoxaparine sodique ; T : tinzaparine sodique ; D : daltéparine sodique ; N : nadroparine calcique ; Da : danaparoïde sodique ; F : fondaparinux sodique ; L : lépirudine ; Dé : désirudine ; ? : donnée inconnue.

      Table options Le score d'imputabilité était calculé selon les critères de la méthode française d'imputabilité, réactualisée en 1985 par Bégaud et al. [10]. Les héparines incriminées étaient majoritairement l'énoxaparine sodique (13/19), la nadroparine calcique (3/19) et plus rarement l'héparinate de calcium (1/19) et la tinzaparine sodique (1/19) ; chez une patiente l'héparine incriminée n'était pas connue. Une patiente ayant eu un choc anaphylactique 5 minutes après une injection de nadroparine calcique a eu un prick-test positif à la nadroparine calcique en lecture immédiate. Les tests intradermiques à lecture retardée étaient positifs avec plusieurs héparines et dérivés parmi lesquels l'héparine, incriminée chez 17 patientes (Fig. 1). Quinze des 19 patientes avaient un score d'imputabilité I4 (n = 10) ou I3 (n = 5) ; c'est-à-dire que l'imputabilité de l'héparine chez ces patientes était considérée respectivement comme certaine ou très vraisemblable ; une avait une imputabilité douteuse et pour trois autres le score d'imputabilité n'avait pas pu être calculé en raison du manque de précision des données chronologiques figurant dans les dossiers.

      Figure 1.

      Positivité retardée des tests intradermiques à plusieurs héparines chez la patiente no 19.

      Figure options Par ailleurs, toutes les patientes avaient au moins un test positif pour une héparine autre que celle incriminée. La seule patiente ayant une HNF incriminée (héparinate de calcium) (patiente no 6) avait aussi des tests cutanés positifs pour des HBPM. Les 18 autres patientes testées positivement pour au moins une HBPM avaient aussi :

      o pour 17 d'entre elles, eu des tests pour les HNF, trouvés positifs chez 16/17 ;

      o pour 13 d'entre elles, des tests pour un héparinoïde de synthèse, positifs chez 9/13 ;

      o et pour 12 d'entre elles, des tests pour une hirudine, positifs dans 1 cas.

      Les tests au fondaparinux effectués chez 11 des 19 patientes sont toujours restés négatifs.

      Quinze des 19 patientes ont pu être recontactées ; 6 avaient pu être traitées par une héparine qui avait été testée négativement lors des explorations allergologiques, 7 n'avaient pas eu de traitement par héparine depuis le bilan allergologique et 2 patientes avaient eu des réactions locales aux points d'injection après traitement par fondaparinux. Au total, sept patientes avaient été traitées par du fondaparinux : 5 sans manifestation et 2 avec une éruption localisée aux points d'injection, d'apparition retardée. Une patiente avait été traitée par de la désirudine sans réaction et les 7 autres n'avaient pas reçu d'héparine depuis le bilan allergologique.

      Discussion Ces résultats soulignent la plus grande fréquence des réactions d'hypersensibilité de type retardée par rapport aux réactions immédiates chez les patients suspects d'hypersensibilité aux héparines, en concordance avec les données de la littérature [1], [5], [6] and [11]. Ces réactions surviennent deux jours à deux semaines après le début du traitement sous la forme d'un érythème puis d'un eczéma localisé aux points d'injections, d'évolution desquamative avec parfois une généralisation secondaire, en particulier lorsque le traitement est maintenu [11]. Les réactions d'hypersensibilité immédiate sont rares et se manifestent par une urticaire, exceptionnellement une anaphylaxie comme chez une de nos patientes (patiente no 19), chez laquelle la réaction avait été très rapide, 5 minutes après la première injection de nadroparine calcique (Fraxiparine®).

      Par ailleurs, deux des principaux facteurs de risque d'hypersensibilité aux héparines décrits dans la littérature [5], [6] and [12] sont retrouvés dans cette étude, à savoir le sexe féminin et la grossesse ; en effet tous les patients de cette étude sont des femmes. La grossesse, en raison des traitements prolongés par héparine, apparaît aussi comme un facteur de risque [5], [6] and [12], comme chez deux patientes de l'étude (patientes nos 9 et 12). Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette différence de sex-ratio ; des facteurs hormonaux, la persistance des héparines dans le tissu adipeux après injection ou encore une activité lipase intrinsèque des héparines, sans qu'aucune d'entre elles n'ait été validée à l'heure actuelle [4],[13] and [14].

      Concernant les molécules incriminées, 18 des patients avaient des tests positifs à une HBPM, (l'énoxaparine sodique étant l'héparine la plus fréquemment en cause : 13/17) et un seul par une HNF, ce qui peut s'expliquer par la plus large utilisation des HBPM de nos jours, du fait d'une plus grande maniabilité de ce type d'héparines [11].

      Dans cette étude, les patients n'ont eu que des tests intradermiques soit à lecture immédiate, en cas de suspicion de réaction immédiate, soit à lecture immédiate et retardée à 48 et 96 heures en cas de réactions retardées. Plusieurs études en effet [4], [15], [16] and [17] suggèrent la supériorité des tests intradermiques pour l'exploration des hypersensibilités retardées aux héparines et la faible sensibilité des tests épicutanés (ou patch tests) pour ces molécules [2].

      Le score d'imputabilité n'était pas pris en défaut ; en effet 15 patientes parmi 19 avaient une imputabilité pour l'héparine incriminée considérée comme certaine ou très vraisemblable. Cette étude met par ailleurs en évidence la fréquence des réactions croisées entre les HNF, les HBPM et les héparinoïdes de synthèse, fréquence déjà soulignée par une revue récente de la littérature [12]. En effet, 95 % des patients testés positivement pour une classe d'héparine l'étaient aussi pour au moins une autre classe [12] and [18]. Cependant cette fréquence varie d'une classe à l'autre : en effet, chez les patients sensibilisés à une HBPM, on trouvait 88 % de réactivité croisée avec les HNF, 66 % avec les héparinoïdes de synthèse et 8 % avec les hirudines. À l'inverse, chez le seul patient pour lequel une HNF était incriminée, on notait une réactivité croisée avec les HBPM et les héparinoïdes de synthèse. Ces résultats sont difficilement extrapolables compte tenu du faible nombre de patients et du caractère rétrospectif de l'étude.

      L'exploration allergologique par tests cutanés apparaît indispensable pour confirmer la sensibilisation aux héparines, mais le seul moyen d'exclure formellement une allergie reste la réintroduction d'une héparine [5]. Au total dans cette étude, seuls 8 patients ont été traités par héparine ou dérivés après les tests cutanés, toujours avec une héparine ou un dérivé testé négativement ; deux d'entre eux ont présenté des réactions eczématiformes localisées aux points d'injection. Plusieurs études suggèrent que le fondaparinux serait une alternative de choix chez ces patients [19] and [20]. Nos résultats semblent conforter cela, car nous n'avons observé aucun cas de réactivité croisée pour le fondaparinux chez nos 10 patients testés. Cependant, deux patients auraient tout de même présenté une réaction cutanée locale à type d'eczéma aux points d'injection, plusieurs jours après l'introduction du fondaparinux, malgré des tests cutanés négatifs pour celui-ci.

      Récemment, un cas de choc anaphylactique à l'éxonaparine à été rapporté avec des tests cutanés positifs aussi pour le fondaparinux [8]. Des réactivités croisées entre héparine et fondaparinux avaient néanmoins déjà été signalées, mais rarement [15] and [21]. Enfin, en cas de récidive sous fondaparinux, les autres alternatives sont le danaparoïde et les hirudines, malgré une moins bonne maniabilité et un coût plus élevé[5] and [7]. Les formes recombinantes d'hirudine semblent être une option sûre du fait d'une structure chimique différente de celle des héparines, mais leur utilisation est limitée et reste difficile chez les patients à haut risque hémorragique.

      Conclusion Comme toujours en matière d'allergie médicamenteuse, une enquête médicamenteuse détaillée, ainsi que l'identification du type et du délai d'apparition des manifestations cliniques sont indispensables dans la démarche diagnostique. L'attitude à adopter devant une suspicion de réaction allergique aux héparines est à évaluer au cas par cas, en particulier lorsqu'il existe une polysensibilisation aux héparines et héparinoïdes de synthèse. Les tests cutanés permettent de confirmer la sensibilisation aux héparines et d'identifier des molécules alternatives pouvant être réintroduites, mais seule une réintroduction, réalisée sous surveillance médicale, permet de poser un diagnostic de certitude. Le fondaparinux serait une alternative de choix, en raison d'une rare réactivité croisée avec les autres types d'héparines et du fait de sa sécurité d'utilisation. En cas de réaction croisée avec le fondaparinux, les nouveaux anticoagulants oraux pourraient avoir une place dans de telles manifestations sans qu'il y ait à l'heure actuelle de données en cas de réaction allergique aux héparines et à ses dérivés.


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