Christophe Darmangeat, Jean-Marc Pétillon
According to A. Testart, two types of societies must be distinguished among nomadic, economically egalitarian hunter-gatherers. The first type (A), the only example of which, in the ethnographic present, is the Australian Aboriginals, is characterized by social structures that discourage technical innovations. Conversely, in the second type (B) this technical block does not exist. This is how A. Testart explained the “technical backwardness” of Aboriginal Australia, especially the absence of four key elements : game smoking, agriculture, the dog, and the bow. This paper is a critical review of Testart’s theory centered on the two elements most directly linked to hunting : the dog and the bow. We show that the domestic dingo, far from being deprived of productive usage, is actually an essential hunting aid for many Australian groups ; and that the incomplete domestication of the dingo is due to its intrinsic characteristics as a species rather than to a lack of domestication effort from the Aboriginals. As for the bow, the advantages of the primitive bow over the spearthrower must be strongly qualified. In the history of techniques, this lack of decisive advantage is evidenced by the slow diffusion of the bow and its frequent co-occurrence with the spearthrower. And the ethnography of the Torres Strait shows that, when the Cape York Aboriginals (using the spearthrower) met the Melanesians (using the bow), it is the spearthrower that replaced the bow among several Melanesian groups, simply because it was considered more efficient. The Australian social structures are therefore not necessary to explain either the limited use of the dingo or the absence of the bow. Furthermore, ethnographic evidence suggests that there is actually no reason to think that these social structures imply a particular indifference for technical progress, especially in hunting techniques.
Selon A. Testart, il faut distinguer, parmi les chasseurs-cueilleurs nomades et économiquement égalitaires, deux grands types de sociétés. Le premier (type A), dont les Aborigènes australiens sont le seul exemple dans le présent ethnographique, se caractérise par des structures sociales décourageant l’innovation technique ; il s’oppose en cela au second type (B) où ce blocage technique n’existe pas. A. Testart expliquait ainsi le « retard technique » de l’Australie aborigène, en particulier l’absence de ces quatre éléments clés que sont le fumage du gibier, l’agriculture, le chien et l’arc. Cet article est consacré à l’examen critique de cette thèse, en se concentrant sur les éléments ayant directement trait à la chasse : le chien et l’arc. Nous montrons que le dingo domestique, loin d’être dépourvu d’applications productives, est un auxiliaire de chasse essentiel pour de nombreux groupes australiens ; et que ses caractéristiques naturelles suffisent à rendre compte de l’inachèvement de sa domestication. Quant à l’arc, en particulier dans ses versions les plus primitives, les avantages qu’il offre par rapport au propulseur doivent être relativisés ; en témoignent, dans l’histoire des techniques, la lenteur de sa diffusion et sa cohabitation fréquente avec le propulseur. Et de fait, l’ethnographie du détroit de Torrès nous montre que, lorsque les Aborigènes du cap York – utilisateurs de propulseur – entrèrent en contact avec les Mélanésiens – utilisateurs d’arc –, c’est le propulseur qui supplanta l’arc auprès de plusieurs populations mélanésiennes, parce qu’on le considérait comme plus efficace. Les structures sociales australiennes ne sont donc nécessaires pour expliquer ni les limites de l’utilisation du dingo, ni l’absence de l’arc. De surcroît, plusieurs éléments laissent penser que ces structures n’avaient en réalité aucune raison d’entraîner une indifférence particulière pour le progrès technique, en particulier dans le domaine de la chasse.
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