L'image des »Bohémiens« telle qu'elle se dégage du roman "Notre-Dame de Paris", est marquée par un double regard. D'une part, l'héroïne Esmeralda incarne toutes les déformations morales et culturelles qui — dans les traités contemporains d'anthropologie et de psychologie des peuples — caractérisent les Bohémiens comme barbares et inhumains. D'autre part, la culture étrange des Bohémiens connaît une revalorisation. Suivant les convictions exprimées dans la théorie du bizarre et dans la vision romantique de l'exotisme, Hugo découvre dans la différence culturelle une idéalité jusqu'à présent méconnue. De cette manière, la Bohémienne Esmeralda et son pendant masculin Quasimodo semblent abroger — déroutants comme ils sont — les mécanismes d'exclusion et de distanciation par lesquels le sujet culturel se défendait contre les dangers représentés par l'autre. L'idéalisation du barbare et du grotesque, cependant, ne sert pas, chez Hugo, à prêter à la culture des Bohémiens un statut d'égalité. Au contraire, Esmeralda met à l'épreuve sa métamorphose à un être admirable en soulignant sa dépendance mentale et raciale par rapport à la culture dominante. La Bohémienne Esmeralda doit sa sublimation précisément au fait qu'elle adapte les valeurs culturelles et qu'elle s'intègre dans le monde de l'ordre patriarcal. Dans la polyphonie bizarre qu'elle représente, les idées ethnocentriques et en même temps patriarcales ne sont pas supprimées.
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