Destinée aux préfets, la circulaire du 10 décembre 2019, dite circulaire « Castaner» , a été édictée par le ministre de l’Intérieur afin de fixer les règles d’attribution aux candidats aux élections municipales et communautaires de nuances politiques, qui font ensuite l’objet de deux traitements automatisés . La circulaire prend soin de rappeler la distinction entre l’étiquette politique et la nuance. L’étiquette, qui est librement choisie par le candidat dans sa déclaration de candidature, correspond à sa sensibilité politique – ou à celle de la liste dans son ensemble, auquel cas elle est choisie par le candidat tête de liste. La nuance politique est quant à elle attribuée de manière discrétionnaire par les services préfectoraux à chaque candidat et liste. Elle permet d’agréer et de présenter les résultats électoraux de manière à faire apparaître des tendances politiques locales et nationales en vue de l’information des citoyens et des pouvoirs publics.
La circulaire indique que l’attribution de la nuance doit être réalisée lors de l’enregistrement des candidatures à partir de deux grilles : une « grille des nuances des candidats applicable en 2020 » (vingt-deux nuances possibles), reproduite en annexe 1, et une « grille des nuances des listes applicable en 2020 » (vingt-quatre nuances possibles), reproduite en annexe 2. Les nuances politiques sont elles-mêmes réparties en six « blocs de clivages », précisés en annexe 3 : l’extrême gauche, qui contient une seule nuance, la gauche, à laquelle se rapporte sept nuances, un bloc « divers », auquel sont rattachées cinq nuances individuelles et quatre de listes (dont une nuance « gilets jaunes »), le centre, qui recouvre six nuances individuelles et quatre de liste, la droite, avec deux nuances individuelle et trois de liste et enfin l’extrême droite qui comporte trois nuances (dont le mouvement Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan).
Le « nuançage » politique n’est pas une pratique nouvelle et ne paraît pas contesté dans son principe même. En revanche, ses modalités de mise en application dans la circulaire du ministre de l’Intérieur créèrent une vive polémique. Le Conseil d’État fut ainsi saisi de plusieurs requêtes en référé contestant la légalité de ladite circulaire par plusieurs partis politiques – le Parti socialiste, Les Républicains et Debout la France – et personnes physiques. Une première difficulté tenait à la recevabilité de ces recours, la circulaire n’ayant pas été publiée (elle avait toutefois largement fuité). Le juge des référés l’a écartée en considérant que si « […] la circulaire litigieuse, de nature réglementaire, n’a pas fait l’objet, à ce jour, d’une publication et n’est donc pas encore juridiquement opposable, il ressort des indications données par les représentants du ministre de l’intérieur, lors de l’audience, qu’elle sera prochainement publiée pour permettre son application lors de l’enregistrement des candidatures aux élections municipales» . Eu égard à cette échéance immédiate, le juge des référés a estimé que la condition d’urgence était établie. Examinant ensuite la légalité de la circulaire, il a suspendu l’exécution de trois dispositions dont la légalité lui est apparue douteuse (I), contraignant le ministre de l’intérieur à modifier ses instructions aux préfets (II).
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