Tout comme la vie, la décentralisation est faite d’étapes pas toujours faciles à franchir, surtout dans un État ancré dans une si longue tradition centralisatrice. En 1976, le rapport « vivre ensemble » d’Olivier Guichard traduisait cette idée en parlant d’un « Etat gonflé » absorbant en lui « toute la substance administrative », ce que Michel Giraud, lors du projet de loi du 2 mars 1982, appelait le « double phénomène de dépossession » qui affectait les compétences des Collectivités territoriales mais aussi leur liberté et capacité d’action. Cependant, la décentralisation en tant que « thème de revendication » est plus en phase avec les exigences démocratiques s’était avérée nécessaire face à la fabrique du territoire « par le haut » . D’où la rupture introduite par les lois de décentralisation du début des années 1980 afin d’engager la décentralisation de façon irréversible, d’autant plus que le gouvernement Raffarin la fera remonter dans l’ordre des priorités et des protections juridiques en la constitutionnalisant.
Depuis lors les réformes se succèdent et la décentralisation se joue telle une très longue pièce de théâtre qui, bien distribuée, peut s’affranchir des étapes décisives à l’instar des réformes conduites au début des années 1980. Mal distribuée, elle s’apparente alors à une succession de tâtonnements et conduit à une frénésie législative qui fait d’elle un « chantier permanent ». Ces dernières années se sont succédés des textes législatifs qui n’ont pas été capables d’instaurer de profonds mouvements dans la décentralisation car centrés sur l’action publique locale. C’est la raison pour laquelle, le Président Macron affirmait dans un discours sa volonté de rompre avec la vision jacobine et a entrepris de nouvelles réformes dont l’actuel projet de loi Décentralisation, Déconcentration, Différenciation et Décomplexification : 4D. Ce texte, faisant suite à la crise des gilets jaunes et issu d’une longue concertation tant au niveau national qu’à l’échelon local, voudrait « répondre aux besoins de proximité et d’efficiences exprimés par les élus et les citoyens » . Pour ce faire, ce projet vise à « donner aux élus locaux les moyens d’adapter les politiques nationales aux besoins de leurs concitoyens » pour aboutir à une démarche allant du « bas » vers le « haut » et donc vers davantage de décentralisation. Cela démontre une volonté d’approfondissement de la décentralisation (I). Toutefois, il ne serait pas exagéré d’affirmer, en attendant l’avis du Conseil d’État et les discussions devant le Sénat, que ce texte ne permet pas de poser les bases d’une nouvelle décentralisation de liberté et de confiance (II).
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