Origène d’Alexandrie (v. 185-255) doit sa notoriété en tant que théologien spéculatif, à ses idées sur la nature divine de l’âme humaine et sur le salut universel de toutes les créatures rationnelles, y compris le diable. Elles lui ont valu de virulentes critiques lors de la première controverse origéniste (v. 380-410) et une condamnation comme hérétique lors du cinquième concile oecuménique (553). Ces débats, centrés sur le traité d’Origène De principiis (Sur les premiers principes), se sont déroulés principalement en Méditerranée orientale et ont longtemps éclipsé le succès de ses écrits exégétiques et homilétiques, traduits en latin dans l’Europe du haut Moyen Âge. C’est à l’histoire de la réception de l’ « Origène latin » du Ve au Xe siècle qu’est consacré cet article. Contrastant avec la condamnation dont il a fait l’objet dans la chrétienté orientale, Origène est le Père grec le plus abondamment copié en traduction latine avant l’an 1000. Cette étude analyse les portraits latins d’Origène composés au IVe siècle, le décrivant comme érudit et martyr, et qui ont conduit le public occidental à apprécier son travail sur les Écritures. Elle présente ensuite les traducteurs de l’Antiquité tardive qui ont transmis son oeuvre en latin, et elle examine les preuves manuscrites de la survie de ses écrits exégétiques et homilétiques dans les bibliothèques mérovingiennes, anglo-saxonnes et carolingiennes. La popularité de l’auteur peut ainsi expliquer le regain d’intérêt pour Sur les premiers principes au IXe siècle. L’article se referme en montrant comment les lecteurs carolingiens ont préparé leur rencontre avec ce traité difficile en le copiant auprès des apologies d’Origène, composées dans l’Antiquité tardive et qui garantissaient son orthodoxie. Bien avant sa réhabilitation moderne dans la tradition catholique, les érudits du haut Moyen Âge se réclament ainsi de ce théologien grec renégat, en dépit des problèmes soulevés par ses doctrines les plus discutables.
Origen of Alexandria (ca. 185-255 CE) earned notoriety as a speculative theologian whose ideas about the divine nature of the human soul and the universal salvation of all rational creatures, including the Devil, led to his vilification during the First Origenist Controversy (ca. 380-410 CE) and his condemnation as a heretic at the Fifth Ecumenical Council (553). These debates, which centered on Origen’s treatise De principiis (On First Principles) and took place primarily in the eastern Mediterranean, have long overshadowed the popularity of his exegetical and homiletical writings in Latin translation in early medieval Europe. This article examines the reception history of the “Latin Origen” from the fifth to the tenth centuries. In contrast to his condemnation in eastern Christianity, Origen was the most widely copied Greek patristic author in Latin translation before the year 1000. This study surveys the Latin portraits of Origen as a scholar and a martyr composed in the fourth century that predisposed western audiences to appreciate his biblical scholarship. It then introduces the late antique translators who rendered his work into Latin and examines the manuscript evidence for the survival of his exegetical and homiletical writings in Merovingian, Anglo-Saxon, and Carolingian libraries. His widespread appeal may account for renewed interest in On First Principles in the ninth century. The article concludes by showing how Carolingian readers mediated their encounter with this challenging treatise by copying it alongside late antique apologies for Origen that provided assurance of his orthodoxy. Long before his modern rehabilitation in the Catholic tradition, early medieval scholars claimed this renegade Greek theologian as their own, despite the issues raised by his most questionable doctrines.
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