Le compositeur et scientifique français Jean-Claude Risset (1938- 2016) est connu pour ses travaux de pionnier sur la synthèse sonore et ses compositions électroaoustiques et instrumentales intégrant certains modèles tels que les effets de descentes infinies ou les théories du chaos. Cependant, audelà d’une analyse de sa musique « en soi », voire « en nous », et de ses composantes technologiques, cet article propose une approche des aspects apolliniens, euphoniques, transcendants de sa musique, dont le compositeur a lui-même parlé. Un autre domaine important et rarement traité est celui du rapport aux cultures extra-européennes dans le contexte postcolonial à travers des oeuvres telles que Mokee (hommage aux peuples amérindiens depuis 1492) et Otro (qui reprend cet hommage et médite sur la notion d’altérité). Cette analyse repose sur l’hypothèse émise par le socio-anthropologue Edgar Morin de l’artiste contemporain comme postchaman, qui, au moment du processus de création, se trouve dans un état de semi-transe conjugué à un état de conscience. Cet état poétique s’oppose à l’état prosaïque de nos vies quotidiennes. Les tractations de Risset avec l’au-delà (jouant sur les dialectiques entre visible et l’invisible, le présent et l’absent, la vie et le mort, etc.) sont perceptibles dans Invisibles (jeu entre la voix réelle et la voix enregistrée), Oscura (pièce vocale sur le poème d’amour mystique de San Juan de la Cruz), Pentacle (aux dimensions ésotériques). Risset faisait sienne la parole de Platon :
« Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et puis ceux qui vont sur la mer ». Artiste post-chaman, il fait partie des passeurs permettant, par la musique, le voyage vers de nouvelles Atlantide.
The French composer and scientist Jean-Claude Risset (1938-2016) is known for his pioneering work on sound synthesis, and for his electroaustic and instrumental musical works integrating models such as the effects of infinite descents or chaos theories. However, beyond an analysis of his music “in itself”, or even “in us”, and its technological components, this article proposes an approach to the apollonian, euphonic, transcendental aspects of his music, of which the composer himself has spoken. Another important and rarely dealt with area is the relationship to native cultures in the post-colonial context through works such as Mokee (tribute to the Amerindian peoples since 1492) and Otro (who takes up this tribute and meditates on the notion of otherness).
It is based on the hypothesis put forward by the socio-anthropologist Edgar Morin of the contemporary artist as a post shaman, who, at the time of the creative process, finds himself in a state of semi-transe combined with a state of consciousness. This poetic state contrasts with the prosaic state of our daily lives. Risset's dealings with the « au-delà » (playing on the dialectics between the visible and the invisible, the present and the absent, life and the dead, etc.) are perceptible in Invisibles (between the real voice and the recorded voice), Oscura (vocal piece on San Juan de la Cruz's mystical love poem), Pentacle (with esoteric dimensions). Risset adopted Plato's words: “There are three kinds of men: the living, the dead and then those who go to the sea”. As a postchaman artist, he is one of the smugglers who, through music, allowed people to travel to new Atlantis.
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